[ LEXIQUE – COLUMBO 1806 ]
Par Christian Belleau, chroniqueur et journaliste
Avec tous les termes pour le moins colorés qui ont été utilisés dans l’univers de la drave entre le milieu du XIXe siècle et le tournant du XXe siècle, il est facile de perdre le fil. Voici donc un lexique des plus pratiques, qui fera le bonheur de tous ceux qui désirent en apprendre davantage sur les draveurs, les cageux et les bûcherons : les héros de notre patrimoine historique.
Abattage: À l’automne, les bûcherons se rendaient en forêts pour abattre les arbres. Ces derniers étaient ensuite découpés et équarris, puis acheminés par les draveurs et «cageux» vers des ports de mer ou, plus tard, les scieries ou les usines de pâtes et papiers.
Alligator: Terme employé pour désigner le remorqueur, qui assemblait les îlots de bois (ou estacades) pour former les longs trains de bois voyageaient sur les grands lacs ou les réservoirs.
Allumettières: Surnom des jeunes filles employées par la fabrique d’allumettes d’Ezra Butler Eddy, à Gatineau. Celles-ci ont déclenché les premiers conflits ouvriers au Québec et ont donné naissance à un syndicat féminin. Le boulevard des Allumettières a été inauguré en 2007 dans la ville de Gatineau.
Arbre de la paix: C’est ainsi que les Iroquois du Saint-Laurent surnommaient le pin blanc.
Arts visuels: Voici des artistes qui ont, un jour ou l’autre, immortalisé l’univers de la drave et des «cageux», ou de l’exploitation forestière en général: les photographes William Notman et Malak Karsh, les graveurs Edwin Holgate, Leonard Hutchinson et Yves Baril, et les sculpteurs Donald Doiron et Vincent Théberge.
Aylmer: Incorporée en 1847, cette ville a été fusionnée à celle de Gatineau en 2002 et a d’abord été le point névralgique du chemin d’Aylmer, aussi appelé route d’Aylmer. Celui-ci servait à contourner les obstacles que représentaient les chutes et les rapides. Avant de devenir une artère commerciale populaire, le chemin d’Aylmer a d’abord été un sentier de portage. Plus tard, il prolongera celui de Britannia jusqu’à l’Auberge Symmes au bout du parcours. Cette auberge, qui existe toujours, est aujourd’hui un musée incontournable pour les passionnés d’histoire et de drave.
Baker: Four à étages en tôle de cinq pieds de haut et de trois pieds de large. Le cuisinier des campements le préférait de loin au poêle de fonte, trop lourd et difficile à manœuvrer.
Barons du bois: On appelait ainsi les grands entrepreneurs de l’industrie forestière au Québec. Ils se nommaient notamment Baxter Bowman, Lévis Bigelow, James McLaren, Allan Gilmour, John Hamilton et William Price.
Bas-Canada: Nom donné à la province de Québec de 1791 à 1841. Le Haut-Canada correspondait à l’actuelle province de l’Ontario.
Bois à pâtes: Ce bois, aussi appelé bois à pulpe, servait à la confection du papier dans l’industrie des pâtes et papiers.
Bois équarri: Après avoir été abattus, les arbres étaient découpés à l’aide de hachettes spéciales pour équarrir le bois et en faire des billes ensuite transportées vers les cours d’eaux puis dirigées par les draveurs vers le port de Québec ou, plus tard, les scieries et les papeteries.
Bôme: Au début de la drave, le «bôme» était ni plus ni moins une estacade. Le terme était probablement un dérivatif du mot anglais «boom». L’opération du «booming» visait à former des îlots de bois au moyen des estacades. Le terme «boom» a été remplacé par celui d’«estacade» à l’arrivée d’Hydro-Québec.
Bottes sauvages: Aussi appelées «bottes de bœuf» (car la semelle, le talon et l’empeigne étaient en cuir de bœuf), celles-ci étaient notamment portées par les draveurs, qui n’ont utilisé les bottes de drave cloutées (ou dites «corquées») qu’au début du XXe siècle.
Bouilleux: Autre mot qui a servi à désigner le cuisinier des campements de draveurs et de bûcherons.
Bytwon: Premier nom donné à la ville d’Ottawa, en 1928.
Cageux ou Cageur: Certains travailleurs de la drave étaient appelés ainsi car le moyen de transport de leur marchandise était des cages de bois manœuvrées à l’aide de longues rames. Ces cages se composaient de nombreux radeaux qui formaient ensemble ce qu’on surnommait alors des trains de bois. En anglais, les «cageux» étaient appelés «raftmen», le mot «raft» signifiant «radeau».
Campe: Autre mot pour désigner le campement des draveurs et surtout des bûcherons.
Cantouque: Il s’agit d’un gros levier en bois muni d’un crochet mobile que les draveurs utilisaient pour harponner et diriger les billes de bois. L’outil était aussi surnommé «kendogue», ou encore «cant-hook» et «cant-dog» en anglais.
Castor: C’est le surnom le plus symbolique et flatteur jamais donné aux «cageux». Les propriétaires et commerçants anglais les surnommaient «beaver» (castor en français) à cause de la hutte sous lesquels ils s’abritaient sur les cages de bois, mais aussi du fait de leur ingéniosité et de leur acharnement exemplaire. Le castor est par la suite devenu l’emblème animalier du Canada.
Chaland: Une embarcation qui permettait aux entrepreneurs du bois d’entasser des provisions et de l’équipement. À fond plat et à faible tirant d’eau, le bateau était plus grand que la barge d’Ottawa et était tiré par des chevaux à partir de la rive.
Charretier: Ce travailleur-forestier emmenait le bois à la jetée, sur le bord d’un lac ou d’une rivière, avant d’être mis à l’eau.
Chemin de fer: L’un des facteurs importants ayant provoqué la disparition de la drave. Son implantation a notamment débuté pour empêcher la fuite de notre population vers les États-Unis et permettre la colonisation de territoires inexplorés. Ce moyen de transport allait éventuellement être privilégié pour acheminer le bois aux scieries, puis aux usines de pâtes et papiers.
Chienne: Instrument servant à atteindre des endroits inaccessibles sur les berges des rivières. Celui-ci était constitué de deux billots attachés ensemble et munis de travers.
Chore-boy: L’assistant du cuisinier. Celui-ci transportait l’eau et le bois, nettoyait le camp et aidait le «cook».
Cookerie: Ce terme était utilisé pour désigner la cuisine sur les chantiers des draveurs et des bûcherons. La «cookerie» se trouvait sous l’une des cinq tentes abritant les campements.
Cribe: Parmi les deux types de cages de bois, le «cribe» en était le plus petit et le moins solide, servant surtout pour les descentes de rivières moins dangereuses.
Croc-à-main: Également surnommé «hand-hook» en anglais, ce crochet en acier rattaché à un manche de trois pieds servait à la manutention des billes de bois.
Culler: Le «colleur», «culler», ou encore «mesureur», mesurait le bois pour être conforme aux normes exigées avant que celui-ci ne soit déchargé dans les rivières.
Débâcle: C’est au dégel, ou débâcle, des eaux du printemps que les billes entreposées après la coupe de bois étaient jetées dans les rivières.
Dériveur: À l’aide de sa gaffe, le dériveur dégageait les billes de bois coincées au bord des rives et dans les broussailles pour les diriger à nouveau dans le courant.
Doleur: Ce dernier aplanissait les côtés de chaque arbre après que le traceur en ait fait l’examen.
Drame: Cette cage de bois était destinée aux travaux difficiles. Sa petite sœur, la cage surnommée «cribe», était au contraire de plus petite dimension et moins solide.
Drave: Le mot «drave» prend ses origines dans la langue anglaise via le terme «driver», qui signifie conduire, en l’occurrence des billots de bois sur les rivières. Les draveurs ont d’ailleurs été surnommés «drivers» à une certaine époque.
Draveur: Si les «cageux» passaient le plus clair de leur temps sur d’immenses cages de bois – assemblées pour devenir des trains de bois – les draveurs dirigeaient quant à eux les billes de bois à l’aide de leurs gaffes, sautant de l’une à l’autre avec une agilité et une dextérité hors du commun. De ce fait, leur courage est encore salué et fait toujours d’eux des héros de l’exploitation forestière.
Eddy: Son nom complet est Ezra Butler Eddy. En 1854, l’Américain débarquait dans l’Outaouais et y ouvrait une fabrique d’allumettes en bois. Quelques années plus tard, son usine produisait pas moins de 99% de toutes les allumettes vendues au Canada! Malheureusement, l’usine a été la proie des flammes à plusieurs reprises, et celle-ci a fermé ses portes en 1928.
Embâcle: Amoncellement de billes bois qui obstruait les passages étroits des rivières et qu’il fallait briser à l’aide de dynamite. Plusieurs draveurs ont perdu la vie en allant poser un bâton à l’endroit stratégique de l’embâcle, aussi surnommée «trou du diable».
Entailleur: Également appelé fendeur, l’entailleur faisait des encoches en V sur l’arbre pour déterminer la profondeur de l’équarrissage à y faire.
Épinette: Ce bois a remplacé le pin blanc lorsque ce dernier a souffert de la surexploitation. L’épinette est ensuite devenue le bois de prédilection pour la confection du papier.
Estacade: Fait de pièces de bois équarries et reliées par des chaînes, ce barrage mobile servait à retenir les billots sur les berges pour les empêcher de s’accumuler dans les criques et les baies. Les estacades mesuraient habituellement 50 pieds et se constituaient de trois ou quatre pièces de pin ou de sapin.
Fèves au lard: L’aliment préféré des draveurs et des bûcherons. Très riche et peu coûteux, celui-ci leur permettait d’entreprendre de rudes journées de travail. Au menu, on retrouvait également de la soupe au pois, du gras de porc, du gruau et des cretons.
Foreman: Le contremaître des draveurs était ainsi appelé car il se trouvait toujours au premier plan des opérations («fore» signifie «à l’avant»). D’un caractère bien trempé, il devait également faire preuve de respect envers ses hommes. On désignait aussi le «foreman» sous le nom de «jobber».
Glane: Opération visant à dégager le bois des berges. On la surnommait également «glène», «glanage», ou encore «sweep».
Glissoire: Aussi connue sous les noms de glissade et «slide», celle-ci servait à contourner les rapides et les chutes en faisant glisser le bois dans d’étroits et longs corridors en bois. Les glissoires évitaient surtout d’endommager le bois équarri à travers les obstacles naturels des rivières.
Grume: Autre terme pour désigner les billots ou billes de bois, ou encore «pitounes».
Halage: Également appelée tractage, cette opération visait à transporter vers les cours d’eau le bois coupé durant l’hiver.
Headwork: Ce radeau, muni d’un cabestan à bras, était jumelé à un autre radeau équipé d’une ancre, baptisée picasse, qui servait de point d’appui au premier radeau.
Jambe noire: À force de travailler dans les eaux glacées au dégel printanier, les draveurs se voyaient exposer aux engelures, à de sérieux rhumatismes, ou encore à l’arthrite de la «jambe noire».
Jamdog: Aussi surnommé «jams», le «jamdog» était un crochet utilisé pour tenter de défaire les embâcles avant de les dynamiter.
Jos Montferrand: Ce Canadien-Français a été l’une des figures marquantes de la drave et, surtout, une véritable icône du XIXe siècle. Reconnu pour sa force légendaire, Montferrand s’est fait remarquer en tant que bûcheron, contremaître et draveur, et ses faits et gestes ont alimenté la culture populaire.
Log boom: Au Québec, les anglophones appelaient les billes de bois «log boom», ou encore «boom sticks».
MacPherson: En 2012, la cinéaste Martine Chartrand nous racontait l’histoire de Frank Randolph Macpherson, un Jamaïcain immigré au Québec en 1917 qui a été l’un des grands amis de Félix Leclerc. Cet excellent film d’animation dépeint leur belle amitié, mais se veut également un hommage à la drave par le biais de la célèbre chanson écrite par le chansonnier.
Marqueur: Le marqueur devait sélectionner les arbres à abattre.
Marteleur: Ce dernier frappait le signe de l’acquéreur des arbres aux deux extrémités de chaque pièce de bois. Il utilisait un marteau spécial portant le sceau du propriétaire.
Menaud, maître-draveur: En 1937, le poète, dramaturge et romancier Félix-Antoine Savard a sans doute écrit les plus belles pages dédiées à la drave. Ce récit met notamment en scène le tragique décès de Joson, le fils de Menaud, dans les eaux tumultueuses d’une rivière.
Musées: Qu’ils se trouvent dans des édifices fermés ou sur des sites localisés en pleine nature, plusieurs musées dédiés à la drave et à l’exploitation forestière valent le détour: le Musée de l’Auberge Symmes, le Musée Boréalis – Centre de l’histoire de l’industrie papetière, Le Village du Bûcheron à Grandes-Piles, Le Village Forestier d’Antan de Franquelin (Centre régional d’interprétation de la vie en forêt), le Centre d’interprétation de l’historique de la protection de la forêt contre le feu à Maniwaki, La Pulperie de Chicoutimi / Musée régional, Le parc thématique l’Odyssée des Bâtisseurs à Alma et Le Canyon des Portes de l’Enfer à Rimouski.
Napoléon: En 1806, l’empereur français a imposé le Blocus continental pour empêcher les Britanniques de se ravitailler en bois en Europe. Ceux-ci se tourneront vers le Bas-Canada pour se procurer les matériaux nécessaires à la construction navale. Ce sera le début de l’exploitation forestière sur nos terres, et l’amorce d’un essor économique incomparable.
Ours: Le cuisinier surnommait ainsi les éléments de sa batterie de cuisine.
Philemon Wright: Débarqué en 1799 à l’intersection des rivières de Gatineau et des Outaouais, cet Américain a lancé son premier train de bois, constitué de 50 radeaux, vers la ville Québec, en 1806. Ce dernier a été baptisé Columbo, en hommage au village Columbia Falls Village, premier nom donné à la future ville de Gatineau.
Pike: Autre terme pour désigner la gaffe du draveur, aussi appelée «pic».
Pin blanc: Cet arbre, qui peut mesurer de 1 à 1,5 mètre de diamètre et entre 30 et 50 mètres de haut, a été très prisé par l’industrie forestière au XIXe siècle à cause de ses hautes branches exemptes de nœuds, sa résistance à l’humidité et ses fibres de qualité.
Pitoune: Un mot cocasse pour designer la bille ou le billot de bois. L’anecdote veut que «pitoune» soit une déformation de «happy town» (ville joyeuse), l’endroit où les bûcherons pouvaient trouver de belles filles durant les congés.
Pointer: Pour prévenir ou débloquer les embâcles de billes de bois, les draveurs naviguaient sur des embarcations à fond plat et sans quille surnommées «pointer» à cause de ses extrémités pointues. Ce dernier était aussi connu sous les noms de «barge d’Ottawa» et de «barge des Outaouais».
Portage: Avant les premières glissoires, qui permettaient de traverser chutes et rapides sans avoir à démanteler les radeaux de bois, on transportait ceux-ci dans des chemins de portage. Le travail se faisait à dos d’hommes, munis d’un collier de portageur, une bande cuir qui s’appuyait sur le front. Les portages importants ont éventuellement été remplacés par des canaux avec écluses.
Rapides: Tout comme les chutes, les rapides représentaient un grand danger pour les draveurs. Non seulement ceux-ci pouvaient y perdre la vie ou s’y blesser gravement, ces obstacles causaient aussi beaucoup de dommage au bois. Aujourd’hui disparus, les rapides les plus célèbres ont été ceux du Long-Sault, sur la rivière des Outaouais.
Rivières: Les rivières qui ont joué un rôle prépondérant dans le monde de la drave sont: Saint-Maurice, Richelieu, Manouane, Vermillon, Trenche, La Croche, Désert, Lièvre, Matapédia, Mitis, Rimouski, Rouge, Haute-Lièvre, Kiamika, Boule, L’Assomption, Madawaska, Chaudière, Saint-Jacques, Malbaie, et sans oublier la célèbre rivière des Outaouais et la Rivière-du-Loup.
Rouleur: Ce travailleur empilait le bois sur la jetée, ou sur la «roule», avant que celui-ci ne soit examiné par le «culler».
Routes commerciales: La rivière Richelieu a été la première route commerciale de la drave. En 1812, elle sera remplacée par celle du Haut-Saint-Laurent, notamment par la rivière des Outaouais. Au début du XXe siècle, la rivière Saint-Maurice deviendra toutefois le corridor privilégié de la drave.
Scierie: À compter de 1850, l’industrie du bois équarri passe à celle du bois de sciage. C’est l’époque des moulins à scie, qui feront les beaux jours des villes de Hull, au Québec, et de Carleton, au Nouveau-Brunswick.
Taureau: Nom donné au treuil qui permettait aux draveurs de remorquer les estacades.
Tourne-billes: Plusieurs termes ont servi à désigner la gaffe, instrument essentiel au travail du draveur pour mener les «pitounes» à bon port: en anglais, le mot «peavy» provenait du nom de son inventeur, le forgeron Joseph Peavy. En français, on utilisait aussi le terme tourne-billes.
Traceur: Le traceur examinait l’arbre pour s’assurer qu’il n’y ait aucun défaut.
Tracteur porteur: Vers la fin du XIXe siècle, les chevaux de halage ont été remplacés par cet important outil né de la révolution industrielle. La débusqueuse à câbles y a également contribué.
Voyageurs canadiens: C’est ainsi qu’on a éventuellement surnommé les coureurs des bois au début du XVIIIe siècle. Le terme «voyageur» a ensuite été utilisé pour désigner plusieurs types des travailleurs itinérants ou nomades, comme les draveurs et les bûcherons.
Pour citer ce lexique : Christian Belleau, chroniqueur et journaliste. Éditeur © A.B.C. Stratégies, 2017. Publié au Canada | Tous droits réservés | Entente no 2017ABC-CB | Ce document est disponible sur demande dans un format numérique ou papier. Agent : A.B.C. Stratégies Tél. : 514-273-1109 ou Courriel : info@abcstrategies.ca
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